Surprise, Planète, Bonheur, Chat, Intrépide, Brillant, Copine, Donner, Valeur, Surmonter, S’attendrir, S’épanouir.
Cela va faire près d’une heure que je suis assis là, sur ce gros rocher de Basalte, bien à l’abri du vent et du sable. Devant moi s’étale la Playa de Orzola, la dernière plage avant le cap de « La Punta Fariones » qui délimite la fin de l’île. Après c’est l’océan Atlantique Nord où il n’y a rien jusqu’à l’archipel de Madère situé à plus de 500 kilomètres de là. Vu d’ici, Funchal parait être à l’autre bout de la planète tellement cette pointe de l’île de Lanzarote semble être abandonnée de tous.
Il va faire nuit dans une petite heure, le vent est complètement tombé et la température est d’environ 25°. Ce chiffre n’est en fait qu’une valeur météo, car en ressenti c’est 29°… Sur ma droite, se trouve la petite ville d’Orzola, connue comme étant un double spot par les touristes en mal de sensations fortes. Spot de surf, et spot de Parapente… Deux activités extrêmes qui permettent aux sportifs de s’épanouir en jouant avec deux éléments naturels essentiels à la vie : L’air et l’eau .
Orzola, la petite ville du nord qui abrite énormément de petits studios loués aux surfeurs à des prix exorbitants… Heureusement, la commune a aménagé de grands parkings réservés aux vans de ceux qui n’ont pas les moyens ou qui sont trop épris de liberté. Son petit port de pêche authentique est aussi le point de départ de la navette maritime qui dessert l’île de Graciosa, campée à l’ouest de l’autre côté du Cap à une heure de navigation d’ici. D’ailleurs aujourd’hui, il est possible d’en deviner la côte sablonneuse tout là-bas, flottant dans la brume lointaine, exactement dans le prolongement de la pointe rocheuse Fariones.
A Orzola, tout est blanc, les murs, le sable, la lumière forte du soleil, et exceptionnellement ce soir, le ciel chargé de nuages bas dus à la tempête subtropicale qui sévit dans les îles du Sud à 500 Kilomètres de là. En complément de ce blanc de chaux, le bleu rehausse le tableau en apportant une touche de couleur très vive… Bleu des volets et des portes, bleu profond de la mer, bleu azur du ciel souvent vide de nuages. Puis vient le noir des routes, des écueils situés au large, des galets, du volcan et des petits murs qui coupent le vent. Il reste encore l’ocre des falaises, le blond du sable, et les couleurs du couchant…
En face de moi, la plage précède l’océan. C’est une grande anse d’environ 400 mètres de large, bordée sur sa droite par une grosse coulée de lave noire qui la sépare du gros bourg posée à environ deux kilomètres de là. La plage de sable fin, quant à elle, s’incline en pente douce pour s’enfoncer dans l’océan sur près de 300 ou 400 mètres à marée basse. Plus loin en mer, on aperçoit de temps en temps la navette qui se rend pour la dernière fois de la journée sur l’île de Graciosa. D’ici, on entend la puissance de ses moteurs diésel qui luttent contre la houle bien formée. Je n’aimerais pas être à bord, ça doit tanguer à mort et il doit falloir avoir l’estomac bien accroché…
À l’autre bout de l’anse, sur ma gauche, se trouve la falaise issue de la caldeira du dernier volcan qui « tombe » dans la mer. Après la plage, l’immense falaise en basalte brun foncé décline abruptement et plonge dans l’océan à 8 ou 900 mètres au large, proposant ainsi une protection au vent sur cette plage, mais rendant « la Punta Fariones » dangereuse à franchir… La marée était basse et commence à peine à remonter. Les rouleaux se brisent à 300 mètres de la petite plage en déroulant un véritable tapis d’écume sur le sable doré. Une agréable surprise picturale, suggérant une main divine esquissant des formes blanches irrégulières et imparfaites tel un peintre déposant sur sa toile ses pigments blancs afin de simuler la force du sac et du ressac. Ces formes mal définies recouvrent le sable blond de ce blanc si particulier sur au moins une bonne centaine de mètres. Cette zone, très houleuse, fait le bonheur des rares baigneurs qui s’égayent encore dans l’eau. L’amplitude de cette écume, donne une idée de la force de l’océan qui vient mourrir sur cette plage de sable fin. Nous sommes en hiver, début décembre et la température de l’eau ne dépasse pas les 15°. Il faut être vraiment intrépide pour se lancer à l’assaut de ces flots bouillonnants …
Et pour finir de planter le décor, au-dessus de nos têtes, tournent des parapentistes. Leurs voiles déployées, de couleurs vives, ressemblent à des papillons dansant dans l’éther en s’adonnant à un ballet dont la chorégraphie n’est connue que des seuls participants. Ils se croisent, tournent, se re-croisent, s’éloignent au-dessus des flots en direction de la pointe rocheuse, reviennent vers la plage, montent parfois bien plus haut que le volcan lui-même ou redescendent pour se poser en douceur sur la plage. C’est eux que je regarde depuis mon arrivée. Je suis hypnotisé par leurs danses et ne les perds pas des yeux. Ils décollent depuis une petite plateforme qu’ils ont creusée sur les flancs du volcan, la où se trouvent les premiers éboulis, à une cinquantaine de mètres d’altitude. La pente est abrupte, formée de petits cailloux qui roulent sous les pieds… Je les vois, tels des chats agiles,grimper assez difficilement jusqu’à cette aire de départ, harnachés dans leurs équipements ayant enroulé grossièrement leur parachute autour de la taille. Surmonter cette épreuve de la montée très accidentée, c’est l’assurance d’effectuer un bon vol. Puis, une fois leur souffle récupéré, ils préparent leur voile rectangulaire en la gonflant plusieurs fois pour lui donner sa forme définitive, avant de s’élancer dans le vide. Très vite ils reprennent de l’altitude et se mettent à tournoyer au même niveau que les autres. Les plus doués restent en l’air plus longtemps en s’engouffrant dans les courants chauds et ainsi se retrouver propulsés deux ou trois cent mètres plus haut, dans le ciel blanc.
Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mais je suis fasciné par ce spectacle que m’offrent ses sportifs n’ayant pas froid au yeux. J’en regarde un atterrir en douceur sur la plage. Il arrive lentement à une dizaine de mètres face à moi, abaisse les extrémités de sa voilure et se pose délicatement au sol tel un papillon sur une fleur… Il effleure le sable et s’arrête en trois pas, comme s’il ne voulait pas laisser de traces de son passage. Cette caresse est assez sensuelle et ressemble à un baiser. À peine le temps de récupérer son parachute qu’il est suivi par un autre parapentiste qui embrasse le sol quasiment au même endroit. Je suis stupéfait par la douceur de l’action et de par sa précision. Cela paraît presque facile…
Le premier arrivé, enlève son bonnet et je découvre un homme âgé de soixante dix ans environ. Il regarde l’atterrissage du suivant qui une fois au sol, retire lui aussi son bonnet. Stupeur, il s’agit d’une femme, de la même génération aux cheveux couleur plus sel que poivre… Leurs lèvres se frôlent dans un baiser rapide, mais très sensuel, histoire de se prouver qu’ils sont bel et bien vivants après avoir effectué ce dernier vol de concert.
Ouahhh, quel regard, quelle belle complicité… À leur manière de s’enlacer, je peux ressentir la passion qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Une passion identique et partagée pour le même sport de haut vol, une passion commune pour les sensations extrêmes… Et c’est main dans la main qu’ils se rendent vers un van Wolswagen garé un peu plus loin pour finir de se débarrasser définitivement de leurs équipements de vol. Leurs doigts entrecroisés se balancent au grès de leur pas. La femme pose négligemment sa tête sur l’épaule de son compagnon en riant. Quelle belle union qui démontre si besoin était qu’il n’y a pas d’âge pour s’éclater !
L’adrénaline qui vient de pulser dans leur corps les tient encore en connivence et ils expriment leur joie de vivre après avoir pris leurs pieds en pratiquant à l’unisson, ce sport à haut risque…
Mais je n’ai pas le temps de me laisser attendrir que le déclic d’un appareil photo me fait me me retourner. Un homme, d’une cinquantaine d’années, braque son appareil muni d’un téléobjectif puissant. Avec ce truc, il doit voir le blanc des yeux des daurades qui jouent à cache cache dans les vagues… Mon regard se tourne vers l’océan, afin d’identifier ce qu’il peut bien photographier avec un objectif aussi puissant. Là-bas, un éphèbe, complètement nu, entre dans la zone blanche bouillonnante d’écume. L’homme à mes côté sourit en mitraillant la silhouette dénudée que l’on voit de dos, éclairée par la lumière orange du soleil couchant. Il ne me regarde pas, concentré sur sa tache, mais j’aperçois, une photo sur l’écran positionné au dos du boitier. Les fesses, très musclées de ce jeune homme émergent dans une gerbe d’écume et en font un cliché étonnant que je trouve pourtant assez poétique mais très libertin. Je n’ai pas le temps d’en voir plus car l’homme change de place et se dirige vers la grève de cailloux noirs sur la droite, tout en continuant à mitrailler avec son appareil photo son compagnon entrant dans l’eau.
Là encore, je ne sais quoi penser et me trouve démuni de mots pour l’exprimer. Il y a ce manque de pudeur, l’exposition au yeux de tous d’une sexualité hors norme avec ce vieux beau accompagné de ce jeune homme très bien fait de sa personne. Ici, tout le monde a le droit de s’aimer, c’est un des secrets de cette île. L’amour y est totalement libre et personne ne conteste quoi que ce soit. C’est brillant, décomplexé et cela offre une liberté totale à chacun…
En parlant de décomplexé, à quelques mètres sur ma gauche, une femme, d’environ trente ans, accompagnée de ses enfants et de ses parents est en train de ranger les serviettes et les jouets utilisés dans la journée. Ils étaient abrités derrière un de ces petits murets constitués de pierre noires ramassées ça et là et construit en arc de cercle, pour tenter de couper le vent dominant en formant un petit cocon où il fait bon s’étendre. Elle est debout, ôte son maillot pour enfiler des affaires sèches et se retrouve complètement nue à une dizaine de mètres de moi. Sa peau, d’une blancheur toute Britannique, ressort sur le fond des falaises sombres situées derrière elle. En se retournant vers moi pour attraper ses fringues, j’aperçois l’espace d’une à deux secondes le triangle noir de son sexe. Cette partie de son anatomie est particulièrement drue et bien fournie…
Ouahhh, là encore je suis subjugué et une bouffée de désir purement sexuelle m’envahie. Je ferme les yeux en espérant que la persistance rétinienne me permette de prolonger de quelques secondes cette vision fugace qui n’est pas du tout horrible. Je ne sais pas ce qu’il m‘arrive, mais je ne contrôle quasiment plus mes émotions. Le temps de réouvrir les yeux, la voilà complètement rhabillée, donnant la main à ses deux enfants avant de partir en courant vers leur voiture…
Quelle image, quelle sensation. Je ne sais pas pour quelle raison, d’habitude je n’ai jamais de pensées salaces, mais là, j’aurais volontiers enfoui mon visage dans cette toison brune, bouclée et désordonnée…. Pourquoi ???
Quand elle passe à mes côtés avec sa petite famille, je n’ose pas la regarder car j’ai peur que mes pensées érotiques ne se lisent sur mon visage. J’ai un peu honte de moi…
Honte de fantasmer sur cette mère de famille, honte d’oser penser qu’une bouffée de désir puisse m’envahir lors de ce moment incongru. Honte enfin de désirer sexuellement une inconnue qui possède sa propre vie, ses propres désirs et qui a l’air très heureuse. Pourtant, j’ai juste envie, de la prendre par la taille et de retourner à l’abri du petit muret de pierres noires…
Je n’ai même pas remarqué si elle était séduisante… Apparement, elle a ses deux enfants, seule sans homme à ses côté… qu’elle est sa vie ?
Je n’en ai aucune idée et je m’en moque totalement… La seule chose que j’ai retenue, c’est qu’elle était juste là, ne cherchant pas à s’exposer volontairement à la vue de tous, mais entièrement nue pendant quelques secondes… Cette vision a embrasé tous mes sens en une milliseconde et j’ai vraiment eu envie de la prendre dans mes bras… Son geste rapide, d’un naturel désarmant, a fait surgir en moi le besoin ou plutôt, le fantasme viscéral de l’enlacer avant de l’embrasser !
Comme j’aurais aimé me blottir contre elle pour découvrir avec passion son intimité.
Pourtant je suis très amoureux de ma moitié et ne m’intéresse pas à la gent féminine. Ou tout du moins, je n’éprouve pas de désir pour les femmes autres que pour celle à qui j’ai dit oui, il y a vingt ans. Là, je ne sais pas ce qui me prends et je suis perturbé par cette sensation inconnue qui m’envahi tout à coup en me laissant songeur….
Mon regard se porte plus loin, dans les rouleaux au bout de la plage, du côté des falaises abruptes du volcan, là où la marée montante fait le plus de vague. Une tête noire émerge des flots et se balance comme un petit bouchon de liège au grès de la forte houle. Cette personne se baigne juste après la barre, c’est à dire derrière la cassure des rouleaux. Elle est ballotée et secouée par les flots à un tel point que je me demande comment elle peut résister et ne pas être malade. Au bout d’un petit moment, elle se laisse porter par une grosse vague déferlante et se retrouve projetée sur la plage, au milieu de l’écume blanche. Quand la mer se retire, cette femme, car il s’agit bien d’une femme, se relève en titubant et marche lentement vers le sable sec. Elle est aussi nue que l’était ma voisine et là encore c’est un choc. Je ne vois qu’une silhouette et ne distingue pas ses traits, mais elle semble sereine en marchant lentement dans les flots qui lui arrivent à mi-jambes. Elle met ses mains en porte voix et crie fort. Le bruit des vagues est trop puissant et elle est trop éloignée qu’il m’est impossible d’entendre ses propos. Mais je vois émerger de l’un des abris anti-vents une autre silhouette féminine, tout aussi nue que le première. Les deux jeunes femmes courent l’une vers l’autre et s’embrassent longuement. Elle s’ébattent dans l’eau, insouciantes des parapentistes qui planent à quelques mètres au-dessus d’elles. Elle sont à mille lieues de sentir les regards des quelques attardés, dont je fais partie, qui se prélassent encore sur cette plage. D’ailleurs, personne ou presque ne les regardent…
Là encore, j’éprouve du désir…
Est-ce du désir ou de la jalousie ?
Jaloux de ces libertés publiquement affichées. Liberté sexuelle, liberté de leur corps, liberté d’esprit. Car il faut avoir un rapport très ouvert avec son propre corps pour oser s’aventurer complètement nu dans les flots agités, sur une plage au milieu des autres baigneurs habillés. Que ce soit le jeune éphèbe, la jolie maman ou ses deux femmes, tous sont épris de liberté et se sont affranchis des carcans de notre société. Finalement, les parapentistes sont eux aussi dans cette même mouvance, ils volent, longtemps, en étant presque aussi libres que des oiseaux.
En fin de compte, je pense que cette plage est une ode à la liberté, physique, mentale et de toute autre nature. La nageuse et sa copine rejoignent un petit abri de pierre noires, d’ou s’échappe quelques flammes et des volutes de fumée. Elles vont passer la soirée là, peut-être une nuit à la belle étoile…
Le ciel est obscurci par l’arrivée de la nuit, les parapentistes terminent de se poser, le parking ne contient plus que quelques voitures et je suis toujours là, assis sur mon rocher de basalte à regarder au loin, les flammes qui dansent dans ce petit cocon de pierres très protecteur. J’imagine les deux jeunes femmes faisant l’amour dans ce décor paradisiaque… Et je les envie.
Cette liberté me dérange, non pas en tant que telle, mais parce que toutes les personnes croisées en cette fin de journée avaient le sourire et paraissaient détendues, ou tout du moins sereines. Elles semblaient être bien là où elles se trouvaient, dans l’instant, fières de cette liberté qu’elles utilisaient sans se poser de question. Ces gens ont choisi de vivre dans le présent, s’accordant du temps au moment où ils en ressentent le besoin. Le futur c’est tout à l’heure et le passé c’est le passé… Donc profitons maintenant, on verra plus tard !
Comme les parapentistes, ces êtres ivres de liberté volent de leurs propres ailes et se dirigent là où le vent les mènent, ces deux femmes sont capables de se dévêtir complètement avant de se ruer dans la furie des eaux pour proposer à leur peaux la caresse de l’écume, et la fraîcheur de l’océan. Elles s’exposent, entièrement démunies face à la violence de la nature mais font corps avec elle pour en jouer, et surtout pour en jouir jusqu’à satiété.
Que c’est beau !
Je me sens terriblement coincé dans mon corps de petit blanc, bien comme il faut à presque 40 ans. l’asservissement de mon éducation est là, suffisamment présent pour me coincer dans une réalité que finalement je n’ai pas choisie. Oui mon imagination est plutôt fantasque en imaginant sans cesse ces deux jeunes femmes libres, faisant l’amour sans se poser de question, juste par envie, dans ce cocon de pierre. Cet idée pudibonde me dérange car je sais que je suis incapable de faire la même chose. Incapable de me déshabiller à la vue de tous, incapable de courir nu dans les vagues pour sentir mon corps de sportif fouetté par les rouleaux. Incapable aussi d’éprouver un orgasme dans un petit endroit isolé, mais qui reste à porté de vue des promeneurs, des parapentistes… Incapable de me ruer sur cette maman entrevue nue pour aimer son corps, encore et encore…
Pourquoi, suis-je incapable, là dans l’instant, de me déshabiller et d’aller courir sur cette plage, en bordure de l’océan… Je ne connais personne ici… Aucun bipède ne me dira rien, les zigotos ne me remarqueront pas… Je n’ai qu’à le faire… Allez!
Ose faire comme le jeune gay, déshabille toi et file en courant vers cette écume protectrice qui en plus te cachera aux yeux de tous…
Non, impossible !
Je suis figé là, coincé dans mon incarnation trop étriquée pour jouir de ma liberté. Pourtant, je suis dans un état d’esprit relativement libre… Enfin du moins c’est ce que je croyais jusqu’à cette heure…
Que me faut-il faire pour l’ouvrir à l’inconnu ?
Aller me jeter à l’eau, dans la tenue d’Adam ?
Courir dans cette même tenue vers ces deux femmes, bien cachées dans leur abri précaire ?
Pour toutes ces actions que je rêverais de faire mais qui sont paralysées par mes propres peurs, mes tabous, ma honte, j’envie et je jalouse l’insouciance des personnes qui ont colonisé cette plage en éprouvant leurs limites.
Ce ne sont pas des « Peace and Love » issus des années soixante-dix, non !
Ce sont peut-être leurs enfants ou tout simplement des êtres humains qui ont eu le courage d’envoyer balader les pre-jugés, en se délivrant du joug de notre société pour satisfaire leur désirs profonds. Les braves, ils ont osés !
Chapeau !!!
En reprenant la piste une fois la nuit tombée, je pense à ces deux petites heures passées sur « la playa d’Orzola ». Bien entendu, je ne suis pas allé courir nu au devant de l’océan et je n’ai pas assouvi mes quelques fantasmes de fin de journée. Pourtant, je me sens serein d’abandonner cet havre de paix. Qu’il me fut agréable de prendre ses deux heures et de m’assoir sur un rocher en ouvrant les yeux sur ceux qui m’entouraient. Même mes désirs érotiques inassouvis m’ont donné de l’espoir. L’espoir que tout au fond de moi, il y a cette petite flamme qui commence à brûler en répandant une douce chaleur bienfaitrice, porteuse d’envie de se dépasser, d’oser aller plus loin…
Dans ma petite voiture de location, je pense à cette pause désinhibante et regrette déjà de m’envoler de cette île dans moins de 48 heures. Finalement, ces pensées positives et cet espoir me fait sourire… Comme les personnes croisées là-bas !
Ce n’est plus « la playa de Orzola », mais plutôt « la sonrisa playa », la plage du sourire…
Je regagne mon appartement, en serrant ce véritable trésor contre moi, au plus profond de mes pensées intimes, tel un enfant ne voulant se séparer de ses jouets…Je sais que je viens de découvrir un peu de la sérénité à laquelle j’aspirais, ici dans ce véritable paradis qu’il faut absolument préserver. Quand j’aurai rejoint ma famille, toujours en France, j’espère que ces deux heures de pause contiendront longtemps gravées dans ma mémoire ses effluves de liberté. Si je reviens ici un jour, serais-je capable d’aller courir nu sur la playa de Orzola, non pas à 23 heures, mais dans la journée ? Aurais-je compris et entrepris d’écouter cette petite voix interne me demandant de lâcher prise ?
Ce serait bien, car aujourd’hui, pour la première fois de ma vie, je me suis senti démuni devant mes émotions, ne sachant les exprimer, ne sachant les reconnaître tant mes pensées furent folles, sans tabous et libertines…
Je souris dans le halo des phares des voitures que je croise, en pensant sérieusement qu’il m‘a été donné l’occasion et la chance d’entrapercevoir un avant goût de l’éden terrestre.
Cette plage perdue au bout d’une piste qui ne mène nul part, ce lieu coincé entre un volcan éventré et l’océan déchaîné, permet à tout un chacun d’exprimer ses désirs, ses fantasmes, ses futurs choix de vie selon son dessein, en exposant à la vue de tous et sans complexe une valeur prônée par beaucoup, mais qui en réalité se fait de plus en plus rare : La liberté !
- LA LIBERTÉ - 28 mars 2025